vendredi 7 février 2014

Plan cancer 2014 – 2019 : quelle place pour les agences régionales de santé (ARS) ?

Les principaux objectifs du nouveau plan cancer 2014 – 2019 sont résumés en une phrase présente sur sa couverture : « guérir et prévenir les cancers : donnons les mêmes chances à tous, partout en France ». Au programme : des traitements plus efficaces, une meilleure prévention des cancers évitables et une égalité dans l’accès aux soins. Rien de bien nouveau dans l’absolu, raison pour laquelle une lecture intégrale des 152 pages du plan s’impose au lecteur avide d’éléments plus concrets.




Entre autres sujets, comment ce plan sera-t-il décliné au niveau des régions ? Quelles sont les missions qui devront être assurées par les Agences Régionales de Santé (ARS) ?

1. Guérir plus de personnes malades

 
Action 1.1 : Permettre à chaque femme de 25 à 65 ans l’accès à un dépistage régulier du cancer du col utérin via un programme national de dépistage organisé. Assurer, sous la responsabilité des ARS, la diversification des effecteurs et lieux de réalisation des frottis cervicaux‐utérins, et impliquer l’ensemble des professionnels et collectivités concernés dans le programme de dépistage afin de faire face aux évolutions démographiques (médecins généralistes, gynécologues, sages‐femmes, pathologistes, biologistes). Développer des actions d’information et de sensibilisation de la population et cibler particulièrement en lien avec les ARS les départements dont les taux de couverture sont inférieurs à 50 % de la population cible.

Action 1.7 : Lutter contre les inégalités d’accès et de recours aux programmes de dépistage. Suivre et analyser spécifiquement, en vue de mener des actions ciblées en lien avec les ARS, la participation aux programmes de dépistage de populations identifiées comme vulnérables ou ayant des difficultés d’accès : personnes en situation de précarité, de handicap (moteur, sensoriel ou mental), personnes vivant en lieux de privation de liberté (établissement pénitentiaire), personnes résidant dans des institutions, personnes isolées géographiquement, ou devant faire face à des difficultés socioculturelles ou linguistiques. Produire, en lien avec les ARS, des analyses territoriales des inégalités face au dépistage des cancers, par un géocodage des bases de données des programmes de dépistage, par une territorialisation des indicateurs relatifs au parcours de dépistage et par une identification des populations potentiellement moins participantes, en intégrant les déterminants socioéconomiques et sanitaires et en s’appuyant sur les acteurs du champ de l’observation au niveau local ou régional (ORS notamment).
 
Action 2.1 : Garantir aux patients, avec l’appui du médecin généraliste ou de l’équipe de premier recours, un premier rendez‐vous avec l’équipe de cancérologie la plus adaptée à leur situation et dans un délai rapide. Aider le médecin généraliste ou l’équipe de premier recours à adresser rapidement leurs patients vers l’équipe de cancérologie adaptée en améliorant la lisibilité de l’offre locorégionale (voire interrégionale pour les cancers de l’enfant ou les pathologies rares ou très complexes), grâce aux réseaux régionaux de cancérologie, en lien avec les ARS en charge de l’organisation de cette offre.

Action 2.2 : Développer une politique active de maîtrise des délais de prise en charge. Confier aux ARS, en lien avec les réseaux régionaux de cancérologie, un suivi continu des délais par la mise en place d’indicateurs spécifiques et de tableaux de bord. Fixer aux établissements ayant des délais importants un objectif contractuel d’amélioration (CPOM ARS/établissement).
 
Action 2.3 : Réduire les inégalités territoriales et harmoniser les délais d’accès à l’IRM et à la TEP. Ajuster le maillage territorial des équipements en IRM et TEP‐CT sous la responsabilité des ARS pour corriger les inégalités d’accès et les situations territoriales identifiées comme critiques. Mettre à niveau le parc existant et aider à l’investissement dans les régions sous‐équipées en IRM.

Action 6.2 : Conforter l’accès aux tests moléculaires. S’assurer avec l’aide des ARS que l’ensemble des patients sur le territoire national (incluant les DOM), ont effectivement accès aux tests moléculaires de génétique constitutionnelle et de génétique tumorale, quels que soient les praticiens et établissements qui les prennent en charge. Plus particulièrement en ce qui concerne les DOM, assurer la continuité territoriale par des partenariats avec des plateformes métropolitaines.

2. Préserver la continuité et la qualité de vie

Action 7.5 : Structurer sous la responsabilité des ARS une organisation territoriale mobilisant les acteurs sanitaires, sociaux et médico‐sociaux impliqués pour assurer une prise en charge globale et coordonnée. L’organisation d’un accompagnement global et coordonné doit permettre d’éviter les ruptures et de favoriser une continuité du parcours de santé. L’enjeu est de mettre en synergie les acteurs qui interviennent aux différents moments de la prise en charge et sur ses divers aspects dans une approche globale des besoins de la personne. Une organisation doit être structurée afin de pouvoir mobiliser les organismes et personnes ressources au bon moment dans une logique d’intervention graduée. Un accompagnement adapté pour les personnes vulnérables ou en situation de précarité doit être conçu dans ce cadre. Cette démarche s’inscrit dans les objectifs de la Stratégie nationale de santé et en résonance avec les outils déployés dans le cadre du pacte territoire santé et les expérimentations des parcours personnalisés pendant et après le cancer. Clarifier les rôles respectifs de l’équipe hospitalière à l’initiative du traitement et de l’équipe de premier recours, en utilisant le dossier communicant de cancérologie comme outil d’interface. Organiser sous le pilotage de l’ARS, en lien avec le réseau régional de cancérologie, l’intervention des différents acteurs impliqués pour répondre de façon graduée à la diversité des prises en charge (réseaux de santé territoriaux, hospitalisation à domicile, prestataires de santé à domicile, professionnels de santé). Cadrer les conditions de leur articulation pour la délivrance de prestations de qualité, de façon équitable pour l’ensemble des patients sur l’ensemble du territoire et s’assurer de la lisibilité de cette organisation. Sur la base des recommandations de la HAS, charger les ARS d’un plan de montée en charge de l’hospitalisation à domicile (HAD) dans le champ du cancer pour la période 2015‐2018, et organiser un maillage territorial pour répondre à un enjeu d’équité d’accès. Élargir les possibilités d’accueil dans des établissements de soins de suite et organiser la continuité de prise en charge dans les établissements et services médico‐sociaux (établissements d’hébergement pour personnes âgées ; établissements et services pour enfants ou adultes en situation de handicap…). La question de la prise en charge des médicaments onéreux dans ces établissements et services doit être prise en compte à cette fin.

Action 7.6 : Assurer une orientation adéquate vers les soins de support pour tous les malades. Organiser sous la responsabilité des ARS un maillage territorial adapté pour les prestations de soins de support (prise en charge de la douleur, diététique, soins palliatifs…), assurer la lisibilité de cette offre et mettre en place un accès coordonné hôpital/ville.

Action 7.9 : Faciliter l’accès des personnes atteintes de cancer qui en ont besoin aux aides à domicile. Réaliser, sous la responsabilité des ARS, une cartographie des dispositifs d’aides à domicile dans chaque territoire.

Action 9.10 : Permettre un égal accès aux actes et dispositifs de reconstruction après un cancer. Favoriser dans les régions peu couvertes l’augmentation de l’offre de reconstruction mammaire sans dépassement d’honoraires. Le Plan doit permettre, d’ici 2020, à toutes les ARS d’organiser un accès à une offre à tarif opposable dans le champ de la reconstruction mammaire.

3. Optimiser le pilotage et les organisations

Action 14.2 : Identifier les expériences et les pratiques innovantes en termes de participation des usagers et des personnes malades. Il s’agira de repérer les expérimentations mises en oeuvre dans les instances de pilotage et de coordination de la lutte contre les cancers (INCa, ARS, cancéropôles, réseaux, EPST…), ainsi que dans les organismes prenant en charge des patients atteints de cancer (fédérations hospitalières, établissements de santé…), en France, mais aussi à l’étranger. Ces expériences pourront avoir été développées dans le cadre législatif actuel (conférences régionales de santé, conseils d’administration, comités des relations avec les usagers…) ou à l’initiative des organismes concernés (comités et consultations ad hoc par exemple). Recenser et analyser les évaluations existantes.

Action 16.4 : Garantir à l’ARS un appui régional fort dans le champ de la cancérologie en misant sur le rapprochement des structures. Conforter le rôle d’appui des RRC auprès des ARS. À la lumière de leur évaluation, actualiser leurs missions et leurs articulations avec les acteurs de proximité.  Promouvoir, dans un objectif d’harmonisation des pratiques et d’efficience, une organisation régionale des structures de gestion en appui des échelons territoriaux. Développer les interfaces entre RRC, structures de gestion des dépistages et registres afin de fluidifier les parcours du dépistage aux soins ; en lien avec la montée en charge du DCC, organiser un rapprochement des systèmes d’information afin de contribuer à l’évaluation des politiques de dépistage et de soins. Favoriser des rapprochements fonctionnels et structurels et expérimenter des structures unifiées sous forme de structures régionales de coordination ou d’appui en cancérologie. Mettre à profit le réexamen des périmètres et missions des différentes structures de coordination pour sécuriser leurs statuts juridiques et consolider leur gouvernance.

dimanche 2 février 2014

La fin de vie des personnes âgées dépendantes mérite de vraies actions innovantes et efficientes

L'observatoire national de la fin de vie (ONFV) vient de publier un rapport intitulé "fin de vie des personnes âgées, sept parcours ordinaires pour mieux comprendre les enjeux de la fin de vie en France". Alors que les débats autour de la fin de vie se poursuivent et que le spectre de l'euthanasie plane toujours, l'ONFV s'inscrit pleinement dans la nécessaire "médecine de parcours", en proposant 7 parcours de santé fictifs. Cancer, maladie d'Alzheimer, hospitalisation en urgence, proportionnalité des soins, lieu de vie, EHPAD, loi Léonetti... : les 7 fiches proposées au lecteur balayent l'ensemble des situations les plus problématiques.




Ce rapport se conclue par "10 propositions concrètes", dont 80% apportent peu de plus-value :
  • Formation des professionnels aux soins palliatifs : médecins coordonnateur d'EHPAD, aides à domicile, personnels des maisons d'accueil spécialisées et des foyers d'accueil médicalisés, avec mise en place de stages croisés entre les structures de soins palliatifs et les établissements médico-sociaux (recommandations n°3, 4, 6 et 7). Si ces formations apparaissent essentielles, ne sont-elles pas d'ors et déjà accessibles aux personnes ciblées ?
  • Création de référentiels pour repérer les situations de fin de vie à domicile (n°5) et dans les services d'urgence (n°8). Ces outils de repérage sont-ils vraiment une priorité ? Vont-ils vraiment contribuer à faire évoluer les mentalités ?
  • Augmentation des moyens des équipes mobiles de soins palliatifs, pour qu'elles puissent vraiment intervenir en EHPAD (n°2). Les moyens déjà alloués aux nombreuses équipes existantes ne sont-ils pas suffisants pour les 2% de résidents des EHPAD en soins palliatifs (source : les soins en EHPAD en 2012, page 26, profils M1 et M2) ? La télé-expertise ne serait-elle pas plus efficiente (qualité comparable à plus faible coût) ?
  • Réflexion autour des situations de fin de vie au sein des revues de morbidité et de mortalité ou RMM (n°9). Si le développement professionnel continu (DPC) semble un bon levier, pourquoi cibler les RMM, qui n'étudient que les décès non attendus, mais pas les situations palliatives ? Les méthodes basées sur la simulation en santé et le travail en équipe (programme PACTE de la Haute Autorité de Santé) ne seraient-elles pas plus adaptées ?

Deux propositions apparaissent vraiment innovantes et potentiellement efficientes :
  1. "Mettre en place une infirmière de nuit pour 250 à 300 places d’EHPAD, le cas échéant de façon mutualisée entre plusieurs établissements". De telles expériences sont déjà mises en place dans certaines régions françaises, par exemple via un groupement d'employeurs, avec une réduction franche du nombre d'hospitalisations la nuit. Si les expérimentations menées sont concluantes sur le long terme, notamment en termes d'économies générées, une généralisation sur tout le territoire français semble intéressant. En effet, au delà du caractère perturbant d'une hospitalisation en urgence, son coût est également important (consultation, actes réalisés, transport) : la décision d'hospitalisation a tout intérêt à être pertinente...
  2. "Faire évoluer les modalités de financement de la prise en charge des personnes âgées atteintes d’un cancer en phase avancée, afin de favoriser la réflexion des équipes d’oncologie sur la pertinence des traitements". En clair, ne plus prendre en charge les traitements déraisonnables, comme le recours à plusieurs lignes de chimiothérapie, dont le rapport bénéfice-risque devient défavorable. Si cette proposition ne manquera pas de provoquer le débat en France, son application est déjà effective dans plusieurs pays européens, du fait de son efficience : meilleure qualité de vie et moindre coût pour la société.