dimanche 14 décembre 2014

Quelle organisation territoriale pour quel parcours en santé mentale ?

L'Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé (IRDES) publie en ce mois de décembre 2014 un intéressant rapport sur l'offre et l'organisation des soins en psychiatrie. Intéressant, parce qu'il pointe d'importantes disparités entre les 106 territoires de santé français, notamment en matière de recours aux soins hospitaliers :




http://www.irdes.fr/recherche/rapports/558-les-disparites-territoriales-d-offre-et-d-organisation-des-soins-en-psychiatrie-en-france.pdf


Intéressant aussi, parce qu'il démontre que l'offre en soins hospitaliers est essentiellement tournée vers l'hospitalisation à temps complet (densité moyenne de lits = 109,5 pour 100.000 habitants), au dépend des places d'hospitalisation à temps partiel (densité = 37,4) et des lits et places "à temps complet" en alternative à l'hospitalisation (accueil familial thérapeutique, post-cure psychiatrique, appartements thérapeutiques..., densité = 12,5).


http://www.irdes.fr/recherche/rapports/558-les-disparites-territoriales-d-offre-et-d-organisation-des-soins-en-psychiatrie-en-france.pdf

 
Intéressant enfin, en matière de durée moyenne d'hospitalisation en établissement de santé psychiatrique (53,6 jours en France), puisqu'il existe des disparités en fonction du type d'établissement:
  • 41,2 jours dans les établissements de santé publics pluridisciplinaires ;
  • 52,7 jours dans les établissements de santé publics spécialisés ;
  • 56,6 jours dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif ;
  • 73,3 jours dans les établissements de santé privés à but lucratif.
Comment expliquer de tels écarts ?

Dans un contexte national de "virage ambulatoire" (virage dans l'organisation des services de santé où la personne pouvant se déplacer n'est plus hospitalisée pour recevoir les traitements et les interventions qui lui sont nécessaires), des marges de manœuvres semblent exister pour écourter et même à éviter les séjours en milieu hospitalier en donnant davantage de services plus près des milieux de vie. En matière de chirurgie, 50% des actes ont vocation à être réalisées en ambulatoire à la fin de l'année 2016 : cela implique la transformation de lits d'hospitalisation complète en chirurgie en places de chirurgie ambulatoire. Ce virage a-t-il vocation à concerner la santé mentale ?

Oui, très probablement, même si 71% des usagers des services de psychiatrie sont déjà exclusivement suivis en ambulatoire, avec cependant des disparités en matière de délai d'accès. Dans ce cadre, les coopérations entre médecins psychiatres, psychologues, infirmiers ont tout intérêt à être optimisées ; même si la France se classe 3e des pays de l'OCDE en densité de médecins psychiatres, ceux-ci ne peuvent faire face seuls au fardeau des maladies mentales chroniques :
  • plus d'un quart de la population mondiale en souffrira un jour ou l'autre ;
  • elles représentent le 2e poste de dépenses pour l'assurance maladie française, derrière les hospitalisations ponctuelles et devant les maladies cardio-vasculaires ou le diabète.

http://www.irdes.fr/recherche/rapports/558-les-disparites-territoriales-d-offre-et-d-organisation-des-soins-en-psychiatrie-en-france.pdf


Un rapport qui nécessite un regard averti, mais très instructif pour engager le virage ambulatoire, optimiser la pertinence des modes de prise en charge et ainsi améliorer les parcours de santé mentale...

Référence : Doldefy M, Le Neindre C. Les disparités territoriales d’offre et d’organisation des soins en psychiatrie en France : d’une vision segmentée à une approche systémique. IRDES, décembre 2014.